L'année 2009 a été riche de leçons et d'évènements. Il en reste encore quelques semaines pour faire un vrai bilan de l'année. Mais, nous ne pouvons ici que suivre fidèlement le chef de l'Etat et l'emboîter le pas, pour évaluer son action. Il semble que ni dans la famille Al-watwan ni Albalad et encore moins La Gazette des Comores, aucun éditorialiste n'est intéressé à faire un commentaire probe et digne sur l'allocution du Chef de l'Etat, à l'occasion de l'Eid el kébir.
Les discours du Chef De l'Etat sont nombreux et se ressemblent trop. Bonnet blanc, blanc bonnet ! Le Président de la République a parlé ; un point, un tiret. Et nous avons applaudit. Peu importe le contenu, riche de promesses, de visions et d'espoirs.
Le Président Sambi n'a pas seulement fait le bilan de l'année en cours car, il est revenu sur le débarquement militaire d'Anjouan. Mais il a omis de nous dire que nous n'avons enregistré aucun changement dans l'île, en termes de gouvernance et de démocratie. Le quotidien du citoyen anjouanais est plus difficile que jamais. Ceux qui, dit-on, avaient pris l'île en otage sont tous partis. Aucun procès ni poursuite à leur encontre n'a été réellement engagé. En réalité, Anjouan a été libérée le jour où la Constitution de 2001 y a été votée massivement. Cette libération a été renforcée le jour de l'élection du président Sambi dans le cadre de la tournante.
L'année dernière, pendant cette période, Sambi nous a promis des retombées économiques générées par la vente de la citoyenneté comorienne, à partir de janvier 2009.Cette fois-ci, il conditionne ces retombées à l'élection des candidats de la mouvance présidentielle aux élections législatives de cette semaine. Normal. C'est la période des cadeaux de Noël et de la Tabaski. Et si on ouvrait ce débat sans passion !
Tout le monde parle d'élections aujourd'hui. On a oublié les arriérées de salaires. On ne parle plus des souffrances des pèlerins de cette année. Le deuil et l'accompagnement des victimes de Yemenia ne sont plus d'actualité. On ne parle même pas de projet contre projet. A cet effet, il est utile de rappeler que l'élection est l'expression la plus directe et tranchante de la démocratie, depuis le début de la civilisation grecque. Comme tous les partis politiques et les dignitaires du régime prétendent tous parler, au nom de la démocratie, ils sont tous tenus d'appuyer le scrutin de décembre 2009.
Mais, de quel scrutin s'agit-il ? Elections législatives ou élections présidentielles anticipées ? Le chef de l'Etat qui a convoqué le collège électoral n'est pas clair dans ses intentions et ses initiatives. Il divague, erre, nage, prend son vol et se volatilise. Personne ne le dira jamais assez que Sambi est élu pour un mandat de quatre ans (2006-2010). Qu'il promette au peuple la lune, le paradis ou toute autre chose,personne ne comprendra que les législatives sont convoquées dans la perspective d'harmoniser son propre mandat. Qu'il se détrompe !
Certes, nous avons fait un mauvais choix en élisant un président inculte en politique et en administration. Ne nous trompons pas, cette fois ci, dans le choix des candidats aux législatives. Grandes gueules ? Non. Courtois et fidèles au régime ou à l'opposition ? Non. La dernière législature a montré les limites des législateurs comme Mdoumbé, Andoudou ou Alhadhur. Pour une réelle démocratie et de vraies élections, nous avons intérêt à élire de vrais élus, et non pas des lapins sortis du chapeau. Chaque parti politique pourra se mesurer et connaître, désormais, son poids réel, dans l'échiquier politique national si le scrutin est transparent et démocratique.
C'est l'occasion d'assainir l'environnement qui n'est plus sain dans le pays, d'autant plus que le discours politique est inquiétant. A lire l'interview de Dr Ahmed Zaidou et à suivre la mobilisation de M. Oumbad, conseiller Spécial du Chef de l'Etat, il y a de quoi à grincer les dents dans le camp des unionistes. De Kandani à Beit-Salam, en passant par Mutsamudu et à l'île de La Réunion, tous les ingrédients de replonger le pays dans un séparatisme sont réunis et personne n'en parle. La presse nationale est restée muette. Et encore moins les intellectuels.
A Mutsamudu, Anjouan, repérer le conseiller spécial du président Sambi à la tête d'une manifestation sous forme d'avertissement au Général Salimou, cela nourrit nos craintes. Notre crainte est renforcée par le discours de l'Eid El Kébir, dans lequel Sambi reprend les slogans des manifestants dans les rues de Mutsamudu et s'en approprie.
Au lendemain de ce geste bien réfléchi, Dr Zaidou, un des piliers du mouvement séparatiste anjouanais, opposant farouche aux Accords d'Antanarivo de 1999, déclare que l'Union des Comores est un échec et que chaque île doit devenir indépendante. Et de conclure '' les Anjouanais ont raison de lutter'', faisant allusion à la manifestation orchestrée par le conseiller spécial du chef de l'Etat.
Finis ces temps où l'on nous disait que si '' le pouvoir quitte Anjouan, nous allons nous séparer des autres îles''. La situation à laquelle nous vivons aujourd'hui, par rapport à ces séparatistes réveillés de leurs '' tombes'' ne surprend personne. Protégés au sommet de l'Etat en occupant de places de choix dans l'appareil politique ou au sein de l'armée, les séparatistes continueront leur discours de chantage et de provocation sans être inquiétés.
La communauté internationale qui participe au financement des élections a intérêt à savoir où est orienté son argent et, par la même occasion, tester la volonté du président Sambi à organiser impartialement des élections dans le pays.
Sambi a, aujourd'hui, des projets bancables, capables de sortir le pays du sous développement. Il en avait hier avant son élection. Il en aura, certainement, quand il aura quitté Beit Salaam. Mais l'alternance est conçue pour faire succéder les uns des autres dans la gouvernance. Sinon l'Humanité aurait eu droit à un seul prophète et De gaulle, Churchill et Roosevelt seraient toujours là aujourd'hui à la tête de l'Union Européenne et de leurs pays respectifs.
Nous croyions qu'après la crise, c'est la bonne gouvernance mais hélas ! L'histoire politique de notre pays se résume à un éternel recommencement. Nos intellectuels qui s'improvisent dirigeants, de temps à autres, n'ont pas retenu les leçons du passé pour mieux préparer l'avenir. Où sont passés nos politiques ? Les vrais. Nous évaluons ces derniers à travers leurs actifs mais aussi par le passif qu'ils assument, en homme d'Etat. L'homme d'État est celui qui prévoit à long terme l'héritage culturel, économique et politique d'un pays, à la différence du politicien qui ne voit que ce qui se présente le jour même de l'évènement. C'est pourquoi en démocratie, la continuité des affaires de l'Etat s?impose. L'homme d'État tient toujours compte du chemin déjà parcouru et les errances du passé pour régler ses pas dans le futur, en vue d'améliorer les choses.
Dans son allocution radiodiffusée, le président Sambi tend la main au peuple comorien pour demander un moratoire de vingt quatre mois afin de pouvoir distribuer à travers certains projets les 66 milliards de nos francs générés par la vente de la citoyenneté comorienne. L'argent est viré déjà à la Banque centrale des Comores. Le président a raison de jouer avec la naïveté d'un peuple estropié et mutilé. Je comprends cet amour patriotique du président Sambi de vouloir avoir l'?il sur les '' 175 millions'' de dollars de la citoyenneté économique, comme il l'a déjà fait par rapport aux dizaines de millions de dollars du ''projet habitat''.
Sambi nous parle de Conférences de bailleurs de fonds à organiser au Qatar et à Koweit city Bonne nouvelle. Mais qu'a-t-il fait des conclusions de la Conférence des Bailleurs de fonds organisée à l'Ile Maurice ? Nous souhaitons la bienvenue aux hommes d'affaires du Golf dans notre pays. Mais, en guise d'hors d'?uvre, j'aurai aimé qu'on nous dise qui sont les hommes d'affaires qui ont exigé la démolition du complexe hôtelier, le Galawa Beach et qui ont renvoyé leur projet aux calendes grecs pour motif de crise financière mondiale ? N'a-t-on pas offert le meilleur site touristique des Comores à Comoro Golf Holding pour la construction de Jannat al Kamar ? Où en sont les travaux ?
Au Koweit comme en Arabie Saoudite, l'économie a bel et bien été affectée par les deux guerres du Golf. Les deux Monarchies auront besoin de beaucoup de temps pour s'intéresser à des investissements, ailleurs. Aux Emirats Arabes Unis, Dubai, poumon de l'économie nationale est en train de rendre l'âme. A-t-on vraiment besoin d'accorder 24 mois au président Sambi pour partir à la recherche de bailleurs de fonds arabes? Je ne suis pas certain. La réponse devrait venir plutôt du Commissariat Général au Plan. Mais cette institution est apparemment enterrée comme tant d'autres administrations du pays.
La seule reconnaissance des observateurs qui pourrait être une fierté de Sambi est d'avoir arraché un programme avec le FMI, sans loi de finances ni budget consolidé. Mais, l?équation est vite maîtrisée quand on sait que le travail a été fait en amont du côté du Ministère des Affaires Etrangères des Comores et de la Mission Permanente auprès de l'ONU et non au Ministère des Finances et du Budget. Cette fois-ci, Sambi a sacrifié Mayotte pour obtenir un programme. Et demain ?
Sambi qui n'a pas la culture de documentation, n'a t-il pas de griots qui lui disent que c'est le ras-le- bol au niveau du peuple par rapport à la gestion défectueuse des Affaires de l'Etat ? S'il est vrai que le droit ne règle pas tout, les Accords de Fomboni et la Constitution de 2001 ont garanti une certaine stabilité dans le pays. Le Niger, la Guinée Bissau, la Côte d'Ivoire, la Mauritanie ou Madagascar,des pays qui sont entrés en crise dans la même période que les Comores sont en train d'envier notre pays. Ceci est rendu possible grâce à la définition des règles de jeu bien arrêtée en 2001. Il est clair que notre pays est spécial avec une histoire spéciale mais ne peut pas s'éloigner des mécanismes universels tant son appartenance dans un monde dont les règles et les mécanismes de fonctionnement sont les mêmes.
Mouigni Abdou